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Le multiculturalisme est aussi un choc des cultures

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Vous m’excuserez, ça fait genre une semaine.

Rima Elkouri relatait dans La Presse une histoire incroyable. Un jeune commis de station-service s’est fait agresser par un client parce qu’il n’y a pas de vente de bière dans l’établissement :

 

Mohamed a expliqué que cela prenait un permis d’alcool pour le faire. Il a aussi précisé que le propriétaire de la station-service, musulman comme lui, avait choisi de ne pas en vendre.

 

Avant de continuer, il faut vraiment que je souligne à gros traits que cette agression est inacceptable et que le client en question mériterait fortement d’en répondre devant la Justice.

Mais ça ne veut pas dire pour autant que le client était tout à fait dans le tort, enfin, à propos de la raison pour laquelle il a agressé le commis. Il avait le droit de ne pas être d’accord, et même de le dire calmement, d’ailleurs. À mon sens, une autre couche à ajouter au débat de société…

Parce qu’il ne faut pas se leurrer, il est même question de culture dans le fait de vendre ou non de la bière dans une station-service. Encore plus lorsqu’il est pointé que la raison de la non-vente est religieuse. D’ailleurs, peut-être qu’en expliquant seulement le fait de ne pas avoir de permis de vente d’alcool, il ne se serait rien passé. Raison de plus d’y voir un problème culturel.

C’est bien certain que les hyper tolérants ne voient aucun problème à ce qu’un propriétaire de commerce décide de ne pas vendre un produit banni de sa religion, mais objectivement il y en a un : surtout dans le cas où sa clientèle n’est pas composée, pour beaucoup, des coreligionnaires du propriétaire. C’est comme si, dans un endroit donné, la liberté de choisir était amputée.

C’est qu’ici, culturellement, nous sommes habitués à pouvoir acheter de la bière dans les stations-services, qui sont pour la plupart aujourd’hui carrément des dépanneurs (où on peut toujours acheter de la bière — et qui est un produit accepté socialement). C’est là où il y a un choc des cultures. Et on ne peut pas s’en cacher que ce choc existe, même si Charles Taylor et Gérard Bouchard ont bien tenté de le dénigrer avec le rapport final de la « Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles ». Si vous vous souvenez : c’est mal de ressentir tout décalage entre la culture d’accueil et la culture des nouveaux arrivants. Encore plus de vouloir imposer la manière de faire de la culture d’accueil aux immigrants.

L’exemple qui est relaté ici me semble assez emblématique. Et le problème reste toujours entier. Je ne pourrais pas me résoudre à considérer sérieusement une interdiction légale qui ferait en sorte que la pratique du commerce ne soit pas teintée par la religion. Même si la pratique du commerce est partie prenante de la culture. Il ne resterait alors que la pression populaire, que l’on voit poindre de la pire manière avec le cas relaté ici. Parce que je ne crois pas que ce soit seulement l’exception qui confirme la règle. Pour un peuple qui a évacué en bloc le pouvoir religieux voilà une cinquantaine d’années, je ne crois pas qu’un retour du religieux dans la sphère publique par les soins des nouveaux arrivants soit pris à la légère.

Où est le noeud du problème? C’est que la religion est dans la culture et s’y oppose à la fois. S’il n’y avait pas de religion d’incluse dans ce choc des cultures qu’est le multiculturalisme, il n’y aurait pas le caractère sacré pour empêcher le règlement des problèmes. Comment faire des concessions lorsqu’il y a un interdit formel? Il n’y a pas moyen de rendre une bière (alcoolisée) acceptable pour un musulman (en tout cas orthodoxe).

Là où la légalité réussissait à contenter tout le monde (le permis d’alcool agissant comme la démonstration de l’acceptabilité sociale), voilà que la religion revient compliquer les choses. Et dans l’optique où il y a toujours un combat entre la laïcité stricte et la laïcité ouverte, ce n’est pas rassurant.

Ce coup d’éclat est un symptôme, et ne regarder que l’agression est carrément s’en aveugler.

 

(Photo : merfam)


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